Tandis que la mort véritable est aseptisée, éloignée des décors familiers et des domiciles, transférée à partir des années 1950 et cantonnée aux chambres d'hôpitaux, la bande dessinée a la possibilité de lui donner à la fois d'autres couleurs et une présence. Le squelette personnifie souvent la mort ou du moins oblige à s'interroger sur la finitude des êtres humains. Les ectoplasmes, moins nombreux que les squelettes à prendre place dans les cases, sont une autre manifestation du corps-mort qui peut reposer dans un cercueil ou être enfoui dans un passé révolu. Quant aux fantômes, leur personnage parcourt les planches depuis longtemps. Spectres, revenants et autres esprits peuvent être observés sur la couverture d'un album, dans les pages intérieures, dans une seule case ou plusieurs planches. A la variété de ces inscriptions dans des genres de la bande dessinée, le fantastique, l'aventure, le policier, ainsi que dans des registres divers (manga, comics, bande dessinée mainstream) réponds également, dans cet ouvrage, une pluralité d'approches, de méthodes, de perspectives critiques, d'ancrages disciplinaires. La bande dessinée invite à l'articulation pluridisciplinaire des lectures et permet de restituer la généalogie des fantômes, les questions de traumatismes et de guerres et l'exploration d'un univers inconnu : celui de l'existence après la mort. Dans ce volume ont été privilégiées les modalités plus intimes que spectaculaires, reposant davantage sur la communication des morts et des vivants que sur l'action terrifiante des premiers sur les seconds.