Premier roman nègre écrit par un nègre, en qui Léopold Sédar Senghor voyait un "précurseur de la négritude", récit d'une violence et d'une modernité extraordinaires, voici la complainte de Batouala, grand chef de tribu, vaillant chasseur et excellent marcheur. Nous sommes en 1921. A cette époque, personne n'ose douter du bien-fondé du colonialisme, porteur de civilisation et de paix. Une voix pourtant s'élève. Celle de René Maran, auteur antillais (1887-1960), alors fonctionnaire au ministère des Colonies, qui dénonce, dans ce roman précédé d'une terrible préface, les abus de l'administration en Afrique-Equatoriale française et les méfaits de l'impérialisme. Ses propos déclenchent un véritable scandale qui culminera avec le prix Goncourt qui lui sera tout de même décerné la même année. René Maran n'ose-t-il pas écrire : "Si l'on pouvait savoir de quelle bassesse est faite la vie coloniale, on n'en parlerait plus. Elle avilit peu à peu. Rares sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n'ont pas la force de résister à l'ambiance, à l'alcool... Ces excès et d'autres, ignobles, conduisent ceux qui y excellent à la veulerie la plus abjecte. Cette veulerie ne peut qu'inquiéter de la part de ceux qui ont charge de représenter la France".