C'est à un voyage d'imagination que Ralph Ritter nous convie. La rêverie s'affranchit des grandes théories. Elle se nourrit de faits insignifiants, de petites anecdotes qu'elle bonifie à l'infini, auxquelles elle donne chair et profondeur. De bordels en plages normandes, de réflexions érotiques en ébats littéraires, l'auteur nous transporte à travers trois espaces temps : l'entre-deux-guerres des surréalistes, le XIXe siècle de leurs références et les couloirs du pouvoir des années Mitterrand qui constituent le présent du narrateur. L'amour fou est un des points qui relie l'auteur à son grand homme, André Breton. Le décalage entre les idéaux socialisants des surréalistes et le mur de la réalité du pouvoir un demi-siècle plus tard joue comme un écho entre les deux époques. L'écriture se love dans chacun des cadres proposés, abrupte à Etretat, foisonnante au Jardin du Luxembourg, haletante dans les ruelles de Paris, bavarde dans les dîners en ville, primesautière dans les cafés, cash au Berlaymont bruxellois, apaisée en Sologne. Toujours poétique et impertinente, elle fait voisiner René Char et Dominique Strauss-Kahn, Edith Cresson et Fantômas. Sous des airs légers, cette flânerie nous apprend beaucoup sur les dessous tant de la littérature que du pouvoir et, sous un apparent hymne à l'infidélité, se glissent une haute exigence morale et une ode à la liberté et à l'amour.